








14 avril 2020
Journal de confinement
Hier, lundi de Pâques, il faisait gris et les rues étaient désertes comparé à dimanche.
Au bout du parc je croise une famille de canard, au milieu un poussin jaune.
Aujourd’hui les mouettes ont viré les pigeons de la plage.
Manu a parlé, il a décidé de nous enfermer jusqu’au 11 mai, là il nous promet de libérer ceux qu’il a enfermé le plus tôt… les enfants… 25 minutes d’allocution, comme un boxeur envoyant tant d’uppercuts qu’il est encore tôt pour assimiler tout… on peut cependant noter l’idée que le service public semble si bien se débrouiller malgré toutes les coupes budgétaires… on imagine la suite, pourquoi ne pas continuer ainsi ?
Et ça ce n’est qu’une goutte d’eau parmi l’avalanche de gouttes dont il nous a submergés !
En attendant, il faudra encore travailler plus et mériter ses prestations sociales plus que jamais. Les plus pauvres ne sont encore une fois pas épargnés, si vous n’avez pas d’enfant, n’espérez pas d’aide supplémentaire, pendant que certains pays décident d’instaurer un revenu universel de base.
En Essonne la mairie incite ses concitoyens à dénoncer le non respect des règles de confinement de vos voisins !















Dans la rue cet après-midi deux personnes parlent à un restaurateur du quartier : « c’est aberrant que vous soyez fermé et les cantines seront ouvertes ».
Plus loin dans le canal les poissons nagent en groupe, une partie de foot est lancée sur la place entre un homme et son fils, je croise une fenêtre barricadée, je ne me souviens plus si elle l’était avant.
Dans la navette fluviale il y a de la musique, j’ai pris mon ticket jusqu’à la mairie avant de pouvoir accoster à Jonquière. C’est le sens de navigation obligatoire, le confinement apporte (malgré l’heure unique de sortie autorisée) une envie de prendre son temps, certaines pressions de la société étant levées, c’est une autre forme de liberté qui s’offre à nous.
Devant Leader Price c’est toujours la même scène, une longue file d’attente devant le magasin afin de pouvoir y entrer, c’est le seul magasin du centre ville où il y a la queue.
Aujourd’hui la justice a ordonné à Amazon de ne livrer que les produits de premières nécessités, les conditions de travail ont été largement pointées du doigté pour eux qui échappent à tout en temps normal.
À la Poste de Jonquière, la seule ouverte de la ville, il y a également cette queue qui ne s’arrête que lorsque c’est l’heure de la fermeture. Sur les boîtes de dépôts de courrier de la ville, de nouveaux horaires de levée sont affichés, depuis quelques temps déjà, ce sera du mercredi au vendredi à 9h uniquement.
À la fenêtre d’un appartement, on peut lire à l’envers “Viens te coller à moi”, pour ça il faudra attendre encore un peu.












Peu à peu les festivals et événements commencent à s’annuler, La fête de la musique, Les Nuits de Fourvière, Jazz à Vienne n’auront pas lieu, comme tant d’autres… Ici le festival Les Fadas du monde est annulé, le sont également la fête vénitienne, le 14 juillet, et les paillotes ne peuvent pas réouvrir tant qu’il n’y a pas d’autorisations données pour la réouverture des bars et restaurants.
La vie estivale semble être compromise même si nous nous imaginons déconfinés à ce moment là.
À Jonquière je passe devant le Tien Than qui continue à proposer des plats à emporter, un petit ourson s’agite grâce aux ondes solaires derrière la vitrine. À l’île c’est le Taj Mahal qui propose toujours les livraisons et les commandes à emporter.
Depuis le début du confinement tous les commerces de bouche ont eu le droit de rester ouverts, les boucheries, les primeurs, et certains restaurateurs ont changé leurs formules pour proposer des plats à emporter. Le plus important est que le commerce n’accueille pas de public.
Dans une supérette de Jonquière, on commande à la porte d’entrée, comme dans un drive.
Le magasin Utile est toujours ouvert et les caissières nous accueillent derrière leurs grands plastiques tendus. Aux caisses, on doit attendre qu’on nous appelle pour avancer et c’est comme ça dans tous les commerces.
Combien de temps l’être humain met-il avant de trouver un nouveau mode de vie normal ? Au bout de combien de temps on finit par accepter le conditionnement imposé ?
Au retour l’île est assez déserte, je croise la pepette du quartier qui se fait bronzer sur le quai devant la maison aux glycines.
Je croise trois hommes qui jouent aux quilles finlandaises, je leur demande si je peux les photographier, l’un me dit « C’est pour la police ? C’est pour Castaner ? », je ris et je dis non, ils se cachent le visage pour qu’on ne les reconnaissent pas, et nous on gardera cette photo pour après…
Pour quand on entendra plus parler des nombreux appels à la police pour signaler que son voisin fait un barbecue, qu’il est sorti deux fois, qu’il a reçu quelqu’un chez lui. Aujourd’hui une partie du peuple dénonce ceux qui tentent malgré tout de conserver un peu de lien social, tandis que les délateurs, eux, perdent leur humanité en décrochant leur combiné.
Pendant ce temps à Béziers, la police de Robert Ménard a procédé il y a quelques jours à l’arrestation d’un homme après le couvre-feu instauré par la ville. L’homme était mort lorsqu’il est arrivé au commissariat.
À Tchernobyl un feu ravage la forêt dans laquelle beaucoup d’animaux avaient élu domicile tant d’années après, et fait remonter des particules radioactives à la surface…