1er avril 2020

Journal de confinement

Aujourd’hui j’en ai un peu marre de tourner en rond dans l’île, je décide de prendre le pont levant pour aller à Jonquière. Après avoir dépassé une longue file de voiture, j’arrive au bas du pont, il y a quelques personnes qui attendent, on me dit que le pont est ouvert depuis déjà 20 minutes et qu’il n’y a pas de pétrolier en vue pourtant c’est lui que tout le monde attend… Je regarde un homme qui arrive, je lui dit qu’il y a la navette fluviale, un autre me regarde et me dit en s’esclaffant “sinon vous pouvez y aller à la nage !”.

Je me dirige vers la navette qui se trouve à l’opposé du pont, devant l’embarcadère il y a de nombreux passagers en attente, mais la navette ne prend pas plus de 8 personnes a la fois alors j’attend mon tour. Si l’on compte sur l’heure autorisée de sortie, j’ai déjà perdu 25 minutes simplement pour changer de quartier. Aujourd’hui c’est plus laborieux que d’autres jours.

J’arrive enfin sur l’autre rive, en passant devant Leader Price je m’arrête car je cherche des graines à planter et je n’en trouve nulle part en centre ville.

La police nationale a distribué des papiers qui indiquent que les magasins ne doivent pas recevoir plusieurs personne d’un même foyer.

J’attends devant la porte, je pense le magasin fermé… finalement une employée vient m’ouvrir. A l’intérieur, c’est très particulier, c’est la première fois que j’ai la sensation d’être dans une zone de guerre. Certains rayons ne sont pas éclairés ou seulement à moitié. Je longe un rayon noir, au bout du tunnel, la lumière d’un rayon alimentaire. Je rebrousse chemin, il n’y a pas de graines de toute façon.

Sur mon chemin je passe à côté des travaux du futur cinéma de La Cascade, les travaux sont forcément retardés.

Aujourd’hui les rues sont particulièrement désertes, je m’arrête aux Perles de l’étang, nous échangeons quelques mots… “J’ai l’impression que c’est un cauchemar et que je vais bientôt me réveiller” me dit l’une des deux vendeuses de la pâtisserie.. Je lui dit que je viens chercher du réconfort dans leurs chocolats car les œufs de Pâques sont de première nécessité à mon sens.

Autour de moi on se fait beaucoup de souci pour sa coiffure, j’avoue ça commence à pousser et j’imagine que les coiffeurs seront pris d’assaut à la fin du confinement.

Je m’arrête au Panier Martégal, un des primeurs du quartier, j’ai envie de fruits, j’achète des oranges, un ananas, des kiwis, cette sortie se passe sous le signe des douceurs sucrées.

La boucherie de l’Etable, une rue plus loin est fermée l’après-midi mais effectue des livraisons pendant ce temps. Ils ont laissé sur la porte toutes les instructions pour y venir, commander ou se faire livrer.

Je passe devant l’Argonaute, la librairie de BD désormais installée à Jonquière, les BD en vitrine sont restées figées il y a quelques semaines.

Je rentre, ce soir j’ai fait du pain, plus réussi que le précédent, par texto ma maman me dit “à la fin on sera tous devenus des cordons bleus” !

Dans les rues j’ai cherché la trace d’un poisson d’avril mais je crois qu’il a préféré filer au large.

Dès lundi nous aurons droit d’utiliser des attestations de sortie sur nos téléphones, parce que nous nous sommes bien comportés, donc on assouplit légèrement les règles… C’est la récompense du bon prisonnier volontaire qui accepte de se faire pister autrement qu’avec son smartphone…

Anna Bambou