30 avril 2020

Journal de confinement

Depuis quelques jours, l’atmosphère change. Dans les rues on croise beaucoup plus de monde, il y a comme un effet de “relâchement” le 11 mai approchant. Les voitures sont plus nombreuses et roulent plus vite pour beaucoup, à l’image de ce mini bus anthracite qui a fait un écart délibéré sur nous boulevard du 14 juillet manquant de nous renverser…

Dans l’Yonne un couple s’est vu recevoir une amende car ils s’étaient arrêté pendant leur sortie autorisée, pendant que juristes et avocats encouragent à contester les contraventions, dans des annonces ou des plateformes payantes mises en place sur internet.

Par conséquent on croise plus de flics, il y a un peu plus de contrôles aussi, ces derniers ont également été renforcés avec des drones et les hélicoptères sont de retour, certains jours on les entend, d’autres on les voit, comme celui qui long l’étang à Jonquière, peut être pour s’assurer que le chemin n’est pas trop emprunté…

Même sur le canal on peut assister à des embouteillages certains après-midi !

À la caisse d’un magasin, une femme arrive masquée derrière moi et son masque semble l’autoriser à se tenir à 10cm de moi. Elle baisse son masque sous le menton puis commence à me souffler dessus “J’ai chaud, j’aurai jamais du sortir, je le savais bien, j’ai chaud, j’ai chaud !”.

Dans le rayon d’un autre magasin cette fois c’est une jeune femme avec un petit garçon qui fait ses courses au téléphone avec sa mère, elle porte un masque et des gants et se poste juste à côté de moi, au téléphone elle demande à sa mère ce qu’elle doit prendre dans le rayon. Il semble y avoir un nouveau phénomène, le port du masque enlèverait toute obligation de respect des distances, du moins pour certaines personnes.

Certains se demandent si le masque sera obligatoire au 11 mai, faut-il encore savoir s’en servir ou le supporter…

En Chine ils ont trouvé la solution pour distancer les enfants à l’école, ils leur ont confectionné des sortes de casque avec une sorte de barre qui ressemble aux boudins des sumo pendant leurs combats, ainsi les gamins se baladent avec leur attirail sur la tête.

Dans les rues de l’île on découvre sur un balcon un énorme “Merci” inscrit sur une banderole, sans doute est-il destiné au personnel soignant.

Le soir à 20h, les concerts de casseroles sont de moins en moins suivis, certain soir il n’y a même personne aux balcons, on navigue tous entre lassitude et habitudes.

Les boutiques qui n’avaient pas le droit d’être ouvertes commence à se mettre en place pour le 11 mai, tandis que d’autres ont décidé de réouvrir avec de la vente à emporter comme à Jonquière. Personne ne peut entrer dans le restaurant Moules Mania par contre un stand a l’extérieur vous accueille avec son kit COVID : gel, gants, désinfectant et film plastique.

Dans d’autres lieux restés ouverts depuis le début comme La Civette, c’est un Plexiglas  qui va jusqu’au plafond qu’on découvre en entrant, un bout de carton ferme le plexi et n’est ouvert que pour passer l’argent, on peut aussi lire un panneau nous incitant à nous couvrir le visage, peu importe avec quoi !

La vente de muguet a été interdite aux fleuristes le 1er mai, par contre, d’autres commerces de la ville dont ce n’est pas le métier, eux ont décidé d’en vendre. Même confiné, la guerre du muguet fait rage.

Les statues ont été recouvertes par des masques, est-ce une blague ou une façon de sensibiliser les gens ?

Il ne faut pas oublier qu’un masque mal utilisé est plus dangereux que de ne pas en porter, on est pas soignants, c’est un peu normal que ces gestes soient compliqués à assimiler.

Dans un magasin, une caissière arrive essoufflée car elle était en train de mettre en rayon en parallèle de sa caisse, elle s’assoit et son masque semble la gratter, derrière moi une femme du corps médical (je l’ai entendue au téléphone dans un rayon) ne respectant pas les distances de sécurité dans les rayons lui explique qu’il ne faut pas le toucher, que c’est dur mais c’est comme ça. “Et les cheveux, il faut les attacher même si c’est moins esthétique hein, tant pis, il faut le faire !”. La caissière dit oui et je me sens terriblement gênée pour elle, ces personnes là ne sont pas soignants et doivent s’adapter à des situations exceptionnelles, est-ce utile d’afficher ces personnes là devant d’autres ?

Au delà d’un cours sur le port du masque c’est une leçon qui est donnée…

Notre premier ministre a annoncé les nouvelles mesures qui seront peut-être prises au 11 mai, peut-être parce que rien n’est totalement sûr, peut être que nous ne serons pas déconfits…

Mais ce déconfinement, en est-ce un vraiment ?

Les enfants vont retourner à l’école sur la base du volontariat, alors les camps sont divisés entre les parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants à l’école et ceux qui de toutes façons n’ont pas le choix car ils doivent retourner travailler. Pour ceux qui refusent de renvoyer les enfants à l’école, la sentence sera irrévocable : plus de chômage partiel !

L’économie s’effondre, il faut renvoyer les parents au turbin alors le gouvernement espère déconfiner tout ce petit monde.

Selon un savant calcul, les enfants iront en classe 9 jours en tout d’ici la fin de l’année scolaire, c’est dire si ça vaut le coup de les remettre en classe !

Les mairies auront le droit de choisir entre deux jours d’école par semaine ou une semaine sur deux, la mairie de Martigues semblerait (selon les informations entendues au bord de l’étang) opter pour deux jours par semaine.

Les collégiens devront porter un masque, c’est obligatoire.

S’il a lieu, le déconfinement devrait nous offrir le luxe de pouvoir sortir sans attestation sur un périmètre de 100km ! Les “gestes barrières” devront être encore plus respectés, les commerces sont autorisés à réouvrir mais avec certaines règles précises d’hygiène et d’accueil du public, les rassemblements sont interdits au delà de 10 personnes (ce qui diminue les possibilités de gros mouvements sociaux par exemple..), les médiathèques pourront réouvrir, les entreprises aussi.

Les bars, restaurants, cinémas, musées ne sont pas autorisés à réouvrir pour le moment, une nouvelle annonce sera faite fin mai pour envisager leur réouverture, éventuellement le 2 juin.

Les marchés devraient être autorisés à réouvrir.

Mais tout ça ne sera mis en place que si votre département est dans le vert, pour les bouches du Rhône par exemple, nous semblons être encore dans le rouge.

Toutes les manifestations de plus de 5000 personnes sont interdites jusqu’en septembre, les annulations de festival continuent de pleuvoir, c’est au tour des rencontres d’Arles d’annoncer l’annulation de l’édition 2020.

La culture est au plus mal, les intermittents sont au chômage technique, les artistes n’ont plus de lieux où se montrer, et nous ne bénéficions d’aucunes aides, d’ailleurs ça n’est pas prévu au programme.

Pendant ce temps les galeries d’art misent sur la promo de leurs artistes de renommé en laissant de côté tous les autres, les plus nombreux, ceux qu’il faut aider en priorité pour qu’ils puissent continuer à exister.

La saison sportive 2019-2020 est annulée, la Ligue 1 ne continuera pas, ou peut oublier les siestes devant Roland Garros et les JO pensent déjà à une éventuelle annulation pour 2021.

Pendant ce temps l’application Stop-Covid, destinée à nous traquer ne remporte pas un franc succès auprès le la CNIL.

Au bord de l’étang on essaie de respirer face aux annonces anxiogènes et instables. La France semble se voir comme un roc face à tous les pays qui nous entourent qui eux sont toujours confinés, mais bon vous comprendrez qu’il faut un rendement économique et que le rendement ça se fait pas tout seul.

Je m’arrête devant la mare aux canards, les canetons ne sont plus que trois, selon un jeune couple ce sont des gens qui viennent les récupérer, selon un vieux monsieur avec qui je discute un moment ce sont les rats qui les mangent car il y en a dans les cavités ou les petits dorment.

On échange quelques mots sur les oiseaux et les thons aperçus dans les canaux il y a une semaine, le COVID, la nouvelle maladie qui touche les vaisseaux sanguins des jeunes enfants, on parle de Buckingham Palace, des Etats-Unis, et qu’au final on a plutôt de la chance ici, on est pas dans un vivier comme semble l’être Paris ou New York.

Ce soir nous aurons la nouvelle carte des départements allant du vert au rouge pour savoir à quelle date nous pouvons espérer sortir de nos prisons dorées… À Lyon, le port du masque devrait être obligatoire dans la rue, mais cela semble difficile à imaginer, les masques ne sont pas encore disponible partout et en quantité suffisante pour tous. Et comment peut-on nous obliger à porter quelque chose que l’on ne nous fournit pas gratuitement ?

Pendant ce temps le tournage des Feux de l’amour a du être interrompu, ça n’était jamais arrivé depuis la création de la série en 1973 ! Bel effort !

Anna Bambou