30 mars 2020

Journal de confinement

On pourrait parler de ces derniers jours comme d’un éloge de la lenteur… Je ne sais pas pour vous, mais la vie s’installe petit à petit…

Samedi, la journée s’est déroulée comme à son habitude depuis désormais deux semaines… je sors, je fais quelques courses pour le week-end, parce que je n’ai pas financièrement les moyens de faire des stocks et je pense que nous sommes nombreux dans ce cas là.

Ce mois-ci les prestations sociales seront versées deux jours plus tôt… il faut dire que pour certaines familles, se retrouver à devoir nourrir tout le monde tous les jours, parce que plus d’école, parce que plus de cantine, ça doit être compliqué…

L’attestation dérogatoire, ça devient un peu lourd, surtout d’y penser avant de partir… Vous saviez que le prix des imprimante était en train d’augmenter ?… Ceci n’est pas une blague, non, la société de consommation est toujours là tapie dans l’ombre et continue de profiter du malheur des autres, un malheur commun pour cette fois…

Dans la file d’attente d’un commerce, un client masqué et ganté dit “On va tous sortir en dépression à la fin de tout ça !”, je confirme. Un numéro d’urgence psychologique a été mis en place, les premiers cas arrivent dans les hôpitaux ou chez les psy (-chiatre -chologue , etc), le Xanax fait un boom presque aussi grand que celui du paracétamol…

Parce qu’au début, on mange, on fait des skypéros, des barbecues, on déconne pas mal.. Et puis au bout d’une semaine, le gouvernement repousse de 15 jours, et puis là, ça fait 15 jours qu’on est confinés chez nous… Certains ont déjà fini le rangement de la maison et s’attaquent à la tonte de la pelouse aux ciseaux à moustache, d’autres auront pris du temps et n’auront pas encore attaqué le ménage, certains ont déjà terminé toutes les recettes de cuisine de tous les livres de la maison, je vous laisse compléter…

Comme disait Arlette, “On nous ment, on nous spolie”, et c’est vrai, c’est un mensonge assourdissant que celui des 15 jours supplémentaires quand il n’y a pas besoin de sortir de l’ENA pour comprendre que ça va durer beaucoup plus longtemps…

Dans la rue on croise des gants, toujours.. c’est important de faire la morale à tous pour ensuite éparpiller sa merde ? Cela reflète un chose importante, la plupart on peur pour eux… pas pour les autres ! Je ne vous juge pas, c’est complètement humain, la peur c’est un truc très personnel qui n’atteint pas la peur communautaire chez tout le monde.

La boîte à livres dans le petit parc de Ferrières est désormais vide, sur la plage quelques promeneurs, surtout avec des chiens. Ces derniers sont là à courir, s’amuser, comme si pour eux il y avait une liberté supplémentaire tandis que nous avons perdu la nôtre.

Les jours se suivent et finalement se ressemblent un peu, les canards sauvages s’ébrouent dans le canal, les rues sont calmes, les voitures peu nombreuses, le samedi il y a un peu plus de monde dans les commerces, mais vraiment pas tant que ça pour un samedi…

Ce qui change ce sont les personnes qui courent dans les rayons, masqués, gantés, ils volent au dessus du sol avec leur caddie, il faut faire vite, et moi je vous avoue que ça me donne le tournis alors je prends mon temps parce que j’ai pas envie d’utiliser le numéro des urgences psycorona.

Aujourd’hui c’est lundi, il y a plus de voiture en journée car il ne faut pas oublier que beaucoup de monde travaille encore à l’extérieur. Les nuits sont calmes, c’est presque affolant de voir à quel point cette merde fout la trouille, ici on mesure la peur en décibel, moins il y a de bruit, plus cela veut dire que tout le monde est flippé.

Il est 15h30, un hélicoptère de l’armée vole au dessus de la ville en stagnant, je sors la tête pour faire une photo, en bas de chez moi il y a un embouteillage, 5 voitures attendent au feu dont une voiture de police, je n’avais pas vu autant de monde sous mes fenêtres depuis 15 jours.

Sur Facebook on peut, tous les jours, lire des nouvelles d’annulations de Festivals, hier Montreux Jazz Festival, aujourd’hui Jazz sous les pommiers et d’autres vont suivre… il parait qu’en fin de semaine on en saura plus sur le bouleversement économique que le pays va connaitre… bouleversement culturel aussi…

Pendant ce temps j’allume Netflix, on retombe en enfance en lançant Asterix Mission Cléopatre (version dessin animé) et Nicky Larson, on est ébahies devant ce qu’on nous laissait voir enfant, c’est hyper violent et sexualisé face à ce que la télévision montre aujourd’hui aux enfants de 10 ans. Peut-être que ce soir ce sera Hunter x Hunter ou la petite sirène… Je crois qu’inconsciemment, le besoin se fait sentir de se vider la tête via des choses qui ne sont pas dans nos réalités.

Une petite fille déguisée en princesse passe dans la rue avec sa mère. il n’y a pas grand monde à croiser, la ville est déserte c’est assez triste le calme…

Plus loin, la dame photographie sa fille en robe de princesse au milieu des pâquerettes du parc.

Dans la rue j’entends mes pas résonner par dessus mes écouteurs, il fait beau, chaud avec un vent légèrement frais, j’ai vu les premières hirondelles, je l’ai peut être déjà écrit, je ne me souviens pas… j’essaie de me souvenir des jours, aujourd’hui on est lundi…

Pendant ce temps, le soleil fume la pipe, je le prend en photo, un homme à sa fenêtre me voit faire, on se sourit et on se dit bonjour, plus loin à sa fenêtre une vieille dame fait du tricot pour grappiller le dernier rayon de soleil avant que l’immeuble d’en face le lui cache complètement.

Je suis devant chez moi, j’ai encore droit à 6mn de sortie pour aujourd’hui, je les passe sur le quai juste en bas juste avant de rentrer dans ma prison de mon propre chef… quel génie … à la prochaine réunion des dictateurs ils vont crier « on s’est fait baiser par plus fort que nous »

La ville de Martigues met à disposition des attestations dérogatoires pour vos sorties, elles sont à récupérer dans certains commerces de la ville.

Anna Bambou