L'effet d'hiver

Nous avons travaillé pendant plusieurs années sur les différents témoignages recueillis au sujet de la disparition d’Anna Bambou, jouant avec la mémoire collective et individuelle transmise à travers ces différents récits, troublant les réalités de chacun en démontrant la fragilité des souvenirs et leur transformation. C’est elle qui décida à son tour de nous donner sa version, venant contredire une grande partie des témoignages précédant. Elle nous décrit en quelques mots tout ce qu’elle n’a pas fait, tout ce qu’elle n’a pas été, nous parle de son départ, de l’hiver qui s’en suit, nous offrant l’étendue des possibles quand à la suite de cette histoire, celle d’une vie.

Lettre d'Anna Bambou

Je souhaitais vous écrire tout autant que je me l’interdisais. Je suis votre travail comme vous suivez ma trace. Je me découvre ou redécouvre dans ces souvenirs qui ne sont pas miens et que vous compilez. Non, je ne vous écrirai pas.

Je n’ai jamais suivi de cartomancienne, pas moins connu de lanceur de couteau éperdument amoureux. Je n’ai pas fait le tour du monde, j’ai simplement fait ce qu’il m’est apparu comme une évidence. Je suis partie.

Une valise contenant quelques souvenirs, une chambre d’hôtel. Le début du chemin était peut-être là. Ailleurs. A la poursuite de quelque chose dont j’ignorais encore tout.

Une nuit, les souvenirs, eux-mêmes, m’ont trahis. À la lumière de cette ville,  ils prenaient un autre sens, pareil à des barbelés se retournant dans les chairs.

Anna Bambou